Etudes himalayennes

      

Bien que n’ayant jamais été himalayiste, je me suis intéressé aux aspects liés aux expéditions himalayennes. L’Himalaya est une des dernières montagnes où se pratique encore un alpinisme authentique, mais il faut se mettre à l’écart de l’Everest ou de la plupart des 8000 pour l’observer. D’autre part, l’Himalaya, occupe dans les imaginaires occidentaux une place qui relève très souvent de la mythologie, du fantasme ou du fourre-tout conceptuel : c’est le lieu magique qui transfigure les vessies en lanternes, et où la raison déraisonne en toute impunité. Certaines théories du XIXème siècle qui faisaient du Tibet le berceau des races et des civilisations européennes sont remontées à la surface, on assiste à une idéalisation assez infantile des civilisations de l’Himalaya (en particulier celle du Tibet), en faisant complètement l’impasse sur leurs aspects obscurs (qui s’interroge encore sur les causes de l’engouement des nazis pour le Tibet avant la guerre ?). Sur un mode moins compromettant, on peut observer que n’importe quelle aventure (ou mésaventure) survenue dans l’Himalaya confère à son personnage une dimension extraordinaire, même s’il s’agit d’une grosse bêtise. Ainsi, Herzog s’est gelé les mains à l’Annapurna en 1950 parce qu’il a perdu ses gants et qu’il n’en avait pas de rechange. Pareille mésaventure frappant un alpiniste lambda au mont Blanc serait présentée comme une marque d’inconscience. Mais cela a suffi pour faire de Herzog un héros… C’était quand même un peu mince…
Loin de se dissiper avec le temps, cette propension à déraisonner ne cesse aujourd’hui de croître et de prospérer, comme en témoigne l’engouement pour l’ésotérisme oriental, sous ses différentes formes. Et là aussi les vessies font bon ménage avec les lanternes, l’un des aspects les plus frappants étant la vogue du bouddhisme, ou plutôt de ce qu’on croit être le bouddhisme. Voilà une ascèse totalement athée que l’on prend pour une religion, et que beaucoup imaginent comme une propédeutique du bien-être, alors qu’elle vise au renoncement et à l’abolition de tout désir. En plus, ils croient en trouver le prototype au Tibet, alors que le bouddhisme tibétain (le lamaïsme) est une forme bâtarde et minoritaire qui trouve le moyen de confondre le bouddhisme originel (athée) avec l’animisme et le chamanisme du Tibet archaïque. Soit le mariage de la carpe et du lapin.

Sur un autre plan, les alpinistes (comme tous les touristes en général) ignorent à peu près tout des réalités géopolitiques qui les environnent. Ceux qui fréquentent le Karakoram s’étonnent à peine d’entendre parfois des canonnades vers le glacier du Siachen. Et ceux qui vont aujourd’hui faire le tour des Annapurnas paient sans sourciller leur quote-part à la guérilla maoïste du Népal. Que ce pays soit en train de sombrer dans une situation qui rappelle celle du Cambodge en 1974 ne les concerne visblement pas. A moins que… L’une des dernières nouvelles en provenance du Daulaghiri est que des alpinistes russes ont été pris et blessés dans une attaque maoïste – si cela se renouvelle, il faudra bien commencer à se poser des questions…
En fait, l’ensemble du massif himalayen est un noeud de conflits, au contact entre trois mondes turbulents : les périphéries de la Chine, l’Inde et ses satellites (Bhoutan, Népal), les pays musulmans du subcontinent indien (Bangladesh, Pakistan) et de l’Asie centrale (Afghanistan, républiques ex-soviétiques). On y trouve pêle-mêle des guerres civiles (Népal), des insurrections séparatistes (Assam, Tibet), des guerres inter-étatiques (Inde-Pakistan), des conflits frontaliers plus ou moins larvés (Chine-Inde), éventuellement des combinaisons de ces différents conflits (Cachemire), ou encore des conflits intérieurs ou transfrontaliers à résonance terroriste ou religieuse (mouvements islamistes d’Asie centrale).
Vaste programme… Et qui devrait inciter les voyageurs à s’intéresser un peu plus au contexte dans lequel ils voyagent, bien plus qu’à la manière de faire le tour du Kailash en se prenant pour ce qu’ils ne sont pas. Je proposerai ici quelques éléments de réflexion, sous la forme d’articles parus pour la plupart entre 2000 et 2004 dans la revue Cimes.

 

En voici d’abord 2 sur l’Annapurna (cinquantenaire en 2000 !), centrés plutôt sur la problématique du « héros » :
H_ros_Annapurna.pdf
Annapurna1.pdf
(NB : il faut afficher ce fichier en double page)

 

Cinquantenaire oblige (1953-2003), une étude sur la « géopolitique de l’Everest » qui amène à s’intéresser symétriquement aux cas du Népal et du Tibet, avec derrière la problématique des relations entre l’Inde et la Chine (ça s’emboîte !) :
Everest1.pdf
(NB : afficher en double page)

 

A l’autre bout de la chaîne se dresse le Nanga Parbat, le plus occidental de tous les 8000, qui a un double avantage (entre autres) : il amène à se pencher sur le cas (compliqué !) du Cachemire, et à observer d’un oeil critique l’histoire de l’alpinisme allemand depuis les années 30, avec donc les troubles rapports entre celui-ci et le nazisme :
Cachemire1.pdf
Nanga_Parbat1.pdf
(afficher chacun de ces fichiers en double page)

 
Et pour faire bon poids, une étude sur le Tibet que je mets en deux parties, car le fichier intégral dépasse les capacités du système.
Tibet_1.pdf
Tibet_2.pdf
(NB : afficher en double page)

 

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