Intermède cornu, où l’on passe du bouquetin à l’Aigle

Vendredi, Christine et moi sommes allés au Grand Perron des Encombres, en Maurienne. Nous y avons rencontré ces charmantes bêbêtes. En voilà au moins qui prennent la vie du bon côté, et pas trop de soucis à se faire: pas l’ombre d’un prédateur à l’horizon…

A propos de prédateur, il faut que je revienne un peu sur la question du refuge de l’Aigle (un sujet que j’ai passablement négligé depuis quelque temps). On a appris que les guides de La Grave pensaient avoir trouvé une solution capable de satisfaire tout le monde : transporter l’Aigle au col des Ruillans, près de la gare d’arrivée du téléphérique des Vallons de la Meije. Je voudrais simplement poser la question suivante : qu’est-ce qui fait que le refuge de l’Aigle vaut qu’on se mobilise pour sa sauvegarde? Je ne vois qu’une réponse : son appartenance à la Meije, appartenance physique aussi bien qu’historique. Il est lui parce qu’il est là où il est, comme il est, et avec son histoire incrustée dans ses planches. Le déplacer, c’est évidemment supprimer ce lien, et dès lors ce ne serait plus qu’une banale cabane. Et à côté d’un téléphérique! Quelle ironie…! L’Aigle, c’est le symbole du bout du monde, ce lieu qu’on n’atteint qu’au prix de 6 heures de marche, si ce n’est au prix d’une Meije. C’est comme si on mettait le Moulin de Valmy à Disneyland. Autant le détruire tout de suite! Non, vraiment, il y a quelque chose de déconcertant dans cette proposition, qui pose manifestement un problème de longueur d’ondes…

2 Responses to “Intermède cornu, où l’on passe du bouquetin à l’Aigle

  • Tout à fait d’accord avec vous.
    Je pense qu’ils veulent mettre en vue ces vieilles planches à côté du téléphérique pour que certains ignorants en viennent à réclamer son démantèlement au nom de la montagne propre. Les nazis écologiques pourront même se servir sur place, le vandaliser et redescendre les bouts de bois.

  • Je ne sais pas s’il faut utiliser des termes aussi radicaux que « nazis écologiques », du moins dans ce cas précis. Il y a des « nazis » parmi les écolos, mais tous les écolos ne sont pas nazis – je pense qu’on peut être d’accord là-dessus. Mais là, je pense que la plupart des acteurs de cette affaire sont de bonne foi (à quelques exceptions près), et c’est ça qui à mon sens fait problème: tout le monde dit aimer la montagne, vouloir la respecter, etc…, mais les uns et les autres en tirent des conclusions opposées. La raison tient au fait qu’on n’a pas les mêmes approches de la « fonction » qu’on attribue à la montagne. Ce n’est là que le énième épisode d’une confrontation entre des points de vue plus ou moins utilitaristes et des positions idéalistes. La plupart du temps on s’en tire en faisant la part du feu (qui profite 10 fois sur 10 aux utilitaristes), au vu notamment des intérêts économiques. L’aspect nouveau avec l’Aigle, c’est qu’il n’y a pas d’enjeu vraiment vital derrière (vital, au sens économique du terme), sauf que les guides sont pressés de voir aboutir la rénovation du refuge. Mais enfin, la situation actuelle ne leur enlève pas le pain de la bouche ! D’autre part, la solution alternative qui était proposée aurait pu recevoir leur soutien, car je pense qu’elle est parfaitement rationnelle. Et pourtant ça ne marche pas. Cela veut dire qu’il existe bel et bien une sorte de divorce à la base, dans la façon pour chacun de concevoir son rapport à la montagne…