L’Aigle : un symbole ou une attraction ?
Toujours l’affaire du refuge de l’Aigle… Dans le dernier numéro de Montagnes Magazine (le n° 299, paru au début de ce mois), les guides de La Grave expliquent de façon détaillée pourquoi ils approuvent le projet du CAF de Briançon : construction d’un nouveau refuge sur le site de l’ancien, démontage de ce dernier pour le réamplanter au sommet du téléphérique des Glaciers de la Meije – et rejet de l’idée de construire le nouveau refuge en aval de la vire Amieux. [Voir le texte intégral: Texte_Montagnes_Mag_299.pdf.]
Leur argumentation peut susciter à la fois l’adhésion… et l’étonnement. Adhésion quand ils plaident « pour l’alpinisme classique » et qu’ils disent vouloir « assumer l’héritage des pionniers ».Mais étonnement, lorsqu’ils disent aussitôt que pour assumer cet héritage, il convient de remplacer l’ancien refuge par un nouveau. Je sais bien qu’à Florence, la statue de David qu’on voit devant le Palais des Offices n’est qu’une copie, et que l’original est à l’abri des intempéries. Mais du moins l’illusion existe… Tandis que là, si on retire la cabane de l’endroit où elle se trouve, elle n’y sera plus ! Et stupéfaction lorsqu’ils affirment que la meilleure façon d’utiliser l’ancien refuge comme « témoignage d’un patrimoine local exemplaire » consiste à le placer… là où ce patrimoine a subi sa plus totale dégradation !
Ils argumentent en disant que l’ancien refuge ne peut plus répondre à la demande, compte tenu de la nature des pratiques actuelles, et compte tenu de sa difficulté d’accès. C’est justement pour cela que l’on soutient l’idée d’un deuxième refuge, plus vaste, plus confortable, plus facile d’accès et plus conforme aux pratiques actuelles, du genre voie normale de l’Orientale ou du Doigt de Dieu. Ici, j’ai du mal à comprendre. Suis-je complètement obtus ?
Enfin, ils nous disent que le site du téléphérique s’impose pour accueillir la vieille cabane parce qu’il s’agit d’un milieu « cohérent et accessible à tous ». Cohérent, je veux bien, mais cohérent avec quoi ? La seule cohérence que je vois en ce qui concerne l’Aigle, c’est son lien avec la Meije. Le déplacer, c’est rompre ce lien. Ou alors, il faut déplacer la Meije avec… Tiens, c’est une idée… Faisons donc la suggestion suivante : OK pour le démontage de l’Aigle, OK pour l’installer au sommet du téléphérique, et pendant qu’on y est, mettons-y donc aussi la Meije, ou à défaut une réplique en béton, de telle sorte que les braves gens qui auront payé leur montée en aient pour leur argent. On pourrait même y installer une via ferrata, et comme ça l’illusion sera complète: la Meije comme si vous y étiez, et sans vous fatiguer, m’sieurs-dames… Au fond, n’était-ce pas déjà ce qu’on avait voulu faire avant la guerre, avec le premier projet de téléphérique ? Si l’on doit jouer la carte St-Trop’ ou Mont-St-Michel, autant la jouer à fond, non ?
Je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait penser à ce livre publié en 1990 par un gars qui avait passé 93 jours sans désemparer à l’Aigle, 93 jours de méditation entre novembre et janvier. Ce n’est pas le genre de littérature qui me séduit beaucoup (c’est du style mystico-ésotérique), mais ce qui m’accroche c’est simplement le titre : la Solitude de l’Aigle. La solitude, le téléphérique : cherchez l’erreur…
Calme-toi, Chaps, tu es en train de te faire du mal… Au point où j’en suis, j’aimerais bien recueillir des réactions et des avis !
Il serait interressant que les acteurs de nouveaux projets soient conscients de la depletion du petrole. Il se pourrait que tres bientot le tourisme diminue, principalement le tourisme de masse. Le telepherique risque de fermer avant le refuge. Sans faire dans le catastrophisme je conseille a chacun d’aller faire un tour sur http://wolf.readinglitho.co.uk/francais/index.html
Apres quoi, le refuge de l’aigle est bien tel qu’il est.
Je suis allé voir ce site : intéressant ! Il faudra un peu plus que trois minutes pour le visiter à fond. Il est saisissant de constater que des phénomènes aussi minimes que des histoires de canons à neige ou de téléphériques sont parfaitement révélateurs de problèmes beaucoup plus vastes. Il n’y a pas que la panne énergétique qui est en jeu, mais aussi la panne aquatique. Les deux menacent l’économie des sports d’hiver telle qu’elle fonctionne actuellement. Et que font les décideurs ? Ils en veulent encore plus ! Après nous le déluge… ou le désert. Tous dans le mur, et joyeusement s’il vous plaît ! Le plus pathétique, c’est que toute une population emboîte le pas : les Savoyards sont majoritairement béats d’admiration devant ces stations-Léviathan qui sont en train de tout pourrir…
Sur ce sujet, il existe un site francophone : http://www.oleocene.org/index.php?page=articles.
Il y a des liens vers des articles en français et anglais, un forum assez actif pour l’actualité (et bien plus) pour ceux que ça intéresse, ainsi que les traductions en français des lettres de l’ASPO
Le site « the wolf at the door » indiqué est une traduction française du site anglophone, mais est bien complet.
Perso, j’estime que les grandes stations auront disparu d’ici 10 ans (économiquement, j’ai bien peur qu’il reste beaucoup de traces), ou plutôt seront bien réduites.
RDV en mai 2006 pour le bilan de la saison d’hiver pour voir la tendance…
Je voudrais bien partager ton « optimisme » sur l’avenir des stations-mammouths… En attendant je crains surtout une fuite en avant, et notamment une forte pression sur les zones actuellement protégées. Il y a une réforme en cours de la loi sur les Parcs nationaux (au Parlement en décembre), avec renforcement du rôle des élus locaux et mise en avant du « développement durable » – cette tarte à la crème qui permet de désigner tout et n’importe quoi. Je ne fais que très modérément confiance aux élus locaux pour peser dans le sens de plus de protection. Et je frémis à l’idée de ce qui pourrait se passer si la gestion des parcs devait passer sous leur contrôle, sous prétexte par exemple de décentralisation… Quant aux groupes financiers qui tiennent une bonne partie de ces stations, ils opèrent exclusivement en termes de rentabilité financière immédiate. Le reste, ils s’en contre-foutent. Peut-être que tout ça sera effectivement un champ de ruines dans 10 ans, mais au prix de quels dégâts, à commencer par les dégâts humains !
Pas de panique. Pour revenir au sujet sur l’Aigle, il est peut-etre plus interessant de se concentrer sur la construction d’un nouveau refuge (pendant que l’on a encore des helicos) que tabler sur un tourisme de masse autour d’un telepherique qui ne fonctionnera sans doute bientot plus. Les touristes alpinistes devraient survivre aux touristes espadrille. Face aux decideurs, c’est a nous a interpeler les politiques. Ce sera bientot les municipales, allons aux reunions et agissons pour que les investissements aillent d’abord au maintien d’une agriculture de montagne.
Tout à fait d’accord sur la nécessité d’une démarche civique, c’est-à-dire en fait un retour à la politique au vrai sens du terme (= l’art de gouverner la cité). S’agissant des élections locales, la difficulté est que tout se règle à petite échelle, entre une grosse poignée d’électeurs et une toute poignée d’élus, qui ont néanmoins la possibilité de prendre des décisions engageant l’avenir d’un territoire beaucoup plus vaste. Et la multiplicité des niveaux administratifs (communes, cantons, départements…) est un facteur de dissémination de l’irresponsabilité. On ne peut pas faire une vraie démocratie de proximité avec des structures complètement archaïques et les moeurs qui vont avec… Cela dit, on est bien obligé de faire avec, et si on ne se bagarre pas on perd le droit d’élever la voix… Quel est ce philosophe grec qui avait donné cette définition : « L’homme est un animal politique » ?
Au nom des masses et d’une pseudo démocratisation, on déboulonne un refuge mythique.
L’accès était une vraie petite course.
Après les échelles de spits, pourquoi pas un escalier mécanique pour accéder au nouveau refuge !
« La République du Mont-Blanc » de Saint-Loup n’est peut-être pas seulement une fiction.
j’ai eu l’occasion, plus jeune, de gravir une partie de la meije et de profiter d’une nuit « magique » au refuge de l’aigle.
Ce fut une expérience unique , forte, dans un espace naturel remarquable. Le refuge, en l’etat, respecte le site et dévoile une relation pacifiée entre l’homme et la nature. Je compte bien faire découvrir ce site authentique à ma copine et surtout lui faire passer une nuit de rêve dans un refuge traditionnel de presque 100 ans, qui à lui seul, reflète toute la beauté de l’Oisans
J’ai adoré parcourir votre document: c’est au pied de la noble Meije, sur ses flancs aussi que j’ai connu les meilleurs moments de ma vie d’homme et d’alpiniste débutant. Je garderai toujours en mon humble coeur, des souvenirs magnifiques. Meije, Meïdjour, mon Amour !